10.2.08 : La Traînée rose de l’avion
Splendide journée aujourd’hui. Ciel bleu de février, d’hiver. Le printemps qui s’annonce. Dimanche. Les gens dehors, la détente, le repos. Je marche de Clichy à chez moi à pied, je remonte donc l’avenue, population d’origine maghrébine, beaucoup de commerces nord-africains, une librairie d’occasion mais relativement pointue, la brasserie du Libre-échange à Brochant qui trône dans l’angle. Ce mélange des cultures, cette présence d’un Paris des années cinquante et d’un Orient exilé… Un film qui faute de moyens aurait pris le décor d’un autre…
Je traverse les clous des rues que je ne "vois" pas lorsque je suis en vélo. Je prends le temps.
Un peu plus tard je fais le chemin inverse, en vélo cette fois, la nuit tombe, de ce ciel magnifique, pur, dégradé, où l’on distingue la traînée des avions, le croissant de la lune. Je m’émerveille de la beauté de ce que je vois, les immeubles qui deviennent des ombres chinoises… Je me rappelle de mon grand-père qui devant cela, mais c’était à la campagne, disait "ça coupe", et il faisait un geste sec de la main, tendue vers le paysage.
Je me disais également que peut-être aucun art ne pourrait faire ressentir cette vision-là. C’est quelque chose de si pur, la lumière est si nuancée et si puissante, il faut regarder l’ensemble de la voûte céleste pour se rendre compte de toute la beauté… non le dessin ne peut pas reproduire ou embellir vraiment ça, la photo peut l’évoquer mais ne manquerait-il pas forcément le ressenti, la "réalité" ? Peut-être le seul qui arrive à évoquer, à tenir, à faire durer cette beauté, voire à la magnifier, c’est Robert Wilson avec ses fonds lumineux, le cyclorama (rideau tendu en fond de scène, constitué d’une matière qui diffuse particulièrement bien la lumière) qu’il utilise dans quasiment toutes ses pièces de théâtre. Il a capté la force épurée de la nature… Je m’émerveille à chaque fois. Pourquoi ce ciel crépusculaire, lorsqu’il apparaît à ce point dans son entier, m’émeut tant ? Ce pourrait être d’ailleurs un ciel d’aurore je pense, plus d’ailleurs. Je ne sais pas trop. Le passage à autre chose qui se ferait dans la transparence et l’harmonie ? La fin ? Le début ?